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II
MÉRIMÉE
L’héritier du XVIIIe siècle.
Ceux et celles qui ont connu Mérimée nous en ont laissé des portraits multiples et fort contradictoires. Entre beaucoup de traits que nous y pourrions choisir, retenons qu’ils sont deux, Stendhal et lui, malgré les différences d’âge, de genre de vie, d’extérieur, malgré la différence du pur Parisien et du provincial à Paris, qui forment couple pour personnifier l’homme du XVIIIe siècle qui fait séjour et qui a ses habitudes dans le XIXe siècle romantique. Il y a cependant une différence. On rappellera Stendhal à propos de Mérimée parce que Mérimée en a besoin. On ne rappellera pas Mérimée à propos de Stendhal parce que cela n’augmente pas l’importance de Stendhal. Et voilà une optique du XXe siècle qui eut fort étonné l’auteur de la plaquette H. B. par un des quarante. C’est H. B. qui dirait à son tour, en 1934, de ce Quarante : « quelqu’un de ma suite ! » D’autre part Mérimée eut de son vivant, à peu près ce que Stendhal aurait voulu avoir : la vie libre, intelligente, voluptueuse, — et les sécurités, et le plain-pied dans ce Paris de Juillet, d’où Beyle ne put tirer qu’un exil à Civita-Vecchia, — et une littérature savante, solide, approuvée et recrutée par l’Institut, et une littérature tout court qui trouvait, sans pathos, avec un style net, le triomphe immédiat, et qui le méritait.
Le Parisien.
Qui le méritait dans un pays où, si le génie ne réussit parfois qu’à terme, le travail bien fait réussit toujours au comptant. Parisien, fils de grands bourgeois artistes, Mérimée eut dès le début le don de fac-