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Baudelaire, Flaubert, se construisit en partie contre lui. À qui demanderait quel est le plus démodé des quatre grands poètes romantiques, on répondrait généralement Musset. Mais si cette épithète est justifiée, elle ne va pas sans compensations. Retiré plus ou moins de la mode et du courant, Musset a été reporté, comme un classique, vers un centre-gauche éternel de la littérature française. Il a perdu, réellement, des lecteurs et des cœurs. Il n’a pas perdu, littérairement, une place, une situation. Entre l’esprit du XVIIIe siècle et le romantisme il a établi une liaison, une société, on dirait presque un juste-milieu : il est moins l’enfant du siècle que l’enfant de Juillet, le petit Parisien qui court avec ses pistolets devant la Liberté de Delacroix, ici liberté littéraire. Cet enfant de Juillet, il est le seul grand poète du XIXe siècle que rien, absolument rien, ne permette d’appeler un grand homme et qui, non plus qu’un Regnard ou un Piron, n’ait rien laissé, absolument rien, d’un témoignage, ou, comme on dit, d’un message ; et non, hélas ! faute de l’avoir voulu.