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II
LE ROMAN POPULAIRE
Le roman-feuilleton.
L’article de Sainte-Beuve, en 1838, sur la Littérature industrielle est demeuré célèbre. Il dénonçait l’entrée des pratiques industrielles dans la littérature, et l’article lui-même d’ailleurs ne va pas sans desseins industriels puisqu’il fut écrit pour la Revue des Deux-Mondes, dans les intérêts de Buloz, et contre ses ennemis, en particulier Balzac. Il y a une industrie de la revue et une industrie du théâtre, et les intérêts de la littérature s’accommodent en somme des intérêts de ces industries. La monarchie de Juillet a connu l’industrie du roman-feuilleton, qui a été diversement appréciée.

Elle est même née de l’industrie de la revue, dont l’initiateur fut le Docteur Véron, fondateur de la Revue de Paris, en 1829. Véron eut le premier l’idée de donner à ses lecteurs des romans qui paraissaient par morceaux dans des numéros successifs, et la formule « la suite au prochain numéro » ou « à la prochaine livraison » est de son invention. Buloz bien entendu, l’imita. Ils publiaient d’ailleurs des romans de valeur littéraire, en particulier ceux de Balzac. Ce que faisaient les revues de quinzaine en quinzaine, Emile de Girardin le fit quotidiennement quand il lança la Presse, en 1836. Le succès fut tel que les principaux journaux l’imitèrent. Un tableau du roman-feuilleton déborderait notre cadre. Nous ne retiendrons que les trois noms caractéristiques de Dumas, de Sue et de Soulié.

Dumas-Maquet.
L’immense production romanesque d’Alexandre Dumas, plus de cinq cents volumes, paraît d’ailleurs, comme celle de Balzac, aussi bien