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qui ne soient déjà dans les chroniqueurs. Son principal inconvénient c’est qu’insuffisant pour remplacer une histoire des Ducs écrite d’une manière critique d’après les monographies et les documents, le mérite de celle de Barante ait été suffisant pour empêcher cette histoire de naître.
Augustin Thierry.
L’historien le plus célèbre de son temps a été Augustin Thierry. Il a mérité cette célébrité par la solidité et l’éclat de son style, qui sont d’un disciple de Chateaubriand, par l’intérêt dramatique de sa narration, qui est d’un rival de Walter Scott, par son idée philosophique de l’histoire moderne, qui est d’un contemporain de Guizot, par une pitié populaire généreuse et pathétique pour les souffrants, qui est d’un précurseur de Michelet. Et ce sont là beaucoup de grands noms, après chacun desquels il n’est que le second. Second aussi dans le temps après Barante, puisque la Conquête de l’Angleterre commence en 1825, un an après les Ducs de Bourgogne. Thierry est resté longtemps populaire dans l’enseignement comme maître d’une narration historique décorative dont on trouve encore l’influence dans Salammbô. Mais on ne le lit plus et on n’a pas tort. L’Histoire de la Conquête de l’Angleterre par les Normands a été ruinée de la base au faîte par les progrès de la critique. La base c’est l’explication de l’histoire moderne par la guerre des races, par l’assujettissement séculaire d’une race par une autre, les révolutions locales et générales qui affranchissent la race esclave, tout ce roman de Boulainvilliers auquel croyait encore Guizot, et auquel Fustel de Coulanges a mis fin. Le faîte, ce sont ces beaux frontons ou métopes narratifs qu’on peut extraire de cette ruine pour les musées de style que sont les morceaux choisis : le mythe de l’Histoire de Jacques Bonhomme, l’Histoire de la commune de Vézelay, les Récits des Temps Mérovingiens.
L’Histoire de la Révolution.
Il est un point par où se ressemblent ces trois historiens : leur attention reste fixée sur le présent : l’histoire du passé est ou sera une introduction utilitaire, et utilisée, à l’histoire qu’ils sont appelés à vivre comme hommes d’État ou comme réformateurs. Les cours historiques de Guizot sont une introduction à l’ordre nouveau institué par la Révolution