les philosophes, qui pouvaient voir là plus raisonnablement leur métier propre : le plan républicain de Renouvier s’oppose nettement au plan conservateur de Taine. Ces consultations s’affirmèrent et se heurtèrent d’autant plus que la France n’était pas encore fixée sur son régime politique, ni à plus forte raison, sur son parti religieux, que politiques et clercs la sommèrent de choisir dans leur sens, sous peine de déchéance éternelle.
Dans cette période républicaine de la génération de 1850, une place et une fonction hors de pair furent reconnues à Renan et à Taine, comme héritiers de Sainte-Beuve, délégués de l’esprit critique et de l’intelligence dans le monde des Lettres. À ce titre encore, cette génération qui sort de la vie à la fin du XIXe siècle, peut passer pour le type des générations à maîtres. Elle en fournit, comme elle en a reçu. La mort de Renan en 1893 fut suivie immédiatement d’une réaction contre lui, la réaction contre Taine fut différée un peu davantage. Mais il n’y a pas d’influence de ce genre contre laquelle une réaction, une contradiction, une tentative de remplacement, ne se produisent un jour. C’est le jeu nécessaire et normal des générations. Un maître est autant une influence contre laquelle on se construit qu’une action par laquelle on est construit. Il appartient ensuite aux petits-fils de voir et de juger si les fils ont remplacé avantageusement les pères, et de départager les deux générations antérieures. Il semble que le jugement des petits-fils, après 1914, ait été favorable à la génération de Taine et de Renan, et qu’ils aient envié à leurs grands-pères des maîtres de cette envergure.