passée d’un état solide à un état fluide. Cet état fluide, le Génie le dore de prestiges, lui incorpore la dimension de la durée, l’accorde aux voix de l’histoire.
Le plus pénétrant des analystes, un homme du XVIIIe siècle rencontrant, dix-huit ans après le Génie, les idées obscures, les verra liées avec nécessité à toute la vie religieuse et poétique de l’homme : « Si l’on m’accusait ici, écrira vers 1820 Benjamin Constant, de ne pas définir d’une manière assez précise le sentiment religieux, je demanderai comment on définit avec précision cette partie vague et profonde de nos sensations morales, qui par sa nature même défie tous les efforts du langage. Comment définirez-vous l’impression d’une nuit obscure, d’une antique forêt, du vent qui gémit à travers des ruines ou sur des tombeaux, de l’océan qui se prolonge au delà des regards ? Comment définirez-vous l’émotion que causent les chants d’Ossian, l’église de Saint-Pierre, la méditation de la mort, l’harmonie des sons ou celle des formes ? Comment définirez-vous la rêverie, ce frémissement intérieur de l’âme où viennent se rassembler et comme se perdre, dans une confusion mystérieuse, toutes les puissances des sens et de la pensée ? » Voilà la charte constitutionnelle octroyée aux idées obscures par l’analyste même, l’héritier libéral des philosophes : le Génie a passé par là.
chez l’homme de lettres.