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V
BARRÈS
La Représentation.
Barrès a tenu, de son temps, cette situation d’écrivain représentatif, dont la vie intérieure importe aux idées générales et conductrices de l’époque, leur donne corps, chaleur, mouvement et style, se prolonge dans la vie sentimentale, religieuse et politique d’une génération ; se déclare à la tribune ou sur la place publique, crée une action, entre dans l’ordre de l’État, et cela sans déchoir de sa qualité, sans se diminuer littérairement, en animant au contraire d’un courant poétique les attitudes en faveur dans la théâtrocratie française : type d’existence littéraire qui commence déjà avec Rousseau, prend tout son éclat avec Chateaubriand, explique la partie jouée par Lamartine et Victor Hugo, et où en somme Barrès, qui a vingt-trois ans lors des obsèques de Hugo, n’a pas connu de rival pendant un quart de siècle.
L’Arbre.
L’œuvre considérable et complexe de Barrès a pour armes parlantes une image, dont il importe peu qu’elle soit banale, vu qu’il l’a complètement renouvelée : celle de la plante qui pousse, et qui trouve sa route et sa lumière au sol où elle est née, — réflexion, patience, logique vivante, liaison par le dedans entre des formes de la vie apparemment divergentes et hostiles. De ces liaisons, de ces synthèses, celle qui commande toutes les autres, et que Barrès trouve dès sa jeunesse et qui est tout entière déjà dans Un Homme libre, c’est la découverte de la vie sociale par le chemin de la vie intérieure, une collectivité rencontrée au tournant d’une individualité, un « penser solitairement con-