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un pensum au retour d’un voyage en Grèce, qui l’avait ennuyé, a été une date. Barrès y a posé en une lumière inattendue, vraiment créée, les problèmes de critique et de bonne foi qui concernent le voyage et la vision de Grèce, le départ entre l’authentique et le scolaire, entre la réalité et l’antiquité ; le voyageur français qui réfléchit, en Grèce, sur son plaisir, trouve toujours le Voyage de Sparte sur son chemin. Le dialogue d’Un homme libre et des Déracinés avec ou plutôt contre leurs professeurs et toute l’Université, et qui se poursuit encore sur l’Acropole, c’est une bonne date de la troisième République. Cette bataille sur l’Acropole a remplacé comme thème usuel la Prière déclassée de Renan. On trouve beaucoup moins de substance durable dans le voyage d’Orient dont le titre d’Enquête aux Pays du Levant dit fort bien le contenu en grande partie officiel.
Le Publiciste.
Cependant, et comme Chateaubriand et Lamartine, la grande nature de Barrès a maintenu à sa hauteur à peu près toutes ses besognes. Préoccupé du roman pour le grand public, il en a au moins réussi un, la Colline inspirée, où les thèmes lorrains et catholiques sont convoqués avec maîtrise. Les cantilènes monumentales d’Un Jardin sur l’Oronte et du Mystère en pleine lumière, nous ont émus : supporteront-elles l’épreuve du temps ?

Leurs Figures furent d’abord le titre d’articles de journaux sur le Panama, que l’on compara à du Saint-Simon, en partie parce que Barrès avait imité Saint-Simon, avec bonheur, le recoupant par Michelet (Chateaubriand pratiquait aussi ces méthodes de style composite) : les reportages si partisans du procès de Rennes en 1898, ceux des séances d’une commission parlementaire, appelé Dans le Cloaque, sont des Choses vues de grande classe. Mais le labeur courageux et ingrat de Barrès pendant cinq ans dans la Chronique de la Grande Guerre a été littéralement dévoré par les événements, il ne laisse aucun solde substantiel : travail pour la victoire, qui arriva, mais la littérature vaincue d’avance.

Il aimait d’ailleurs jouer les parties difficiles. Toujours comme cela arrive à Chateaubriand, la vie politique de Barrès a relié tant bien que mal trois défaites retentissantes, trois engagements sur le mauvais cheval, défaite du boulangisme