À ce moment d’ailleurs, la formule naturaliste s’épuisait, et le théâtre avait le naturalisme derrière lui plutôt que devant lui. Les « tranches de vie » auxquelles Antoine ne tenait pas plus qu’à autre chose, tournèrent à la charge d’atelier. Il fallait du nouveau.
La plupart des écrivains dits symbolistes tentèrent le théâtre par des œuvres poétiques qui ne purent du tout s’imposer à la scène. La Gardienne d’Henri de Régnier n’est qu’un dialogue lyrique, mais Phocas le Jardinier de Viélé-Griffin, Saül et le Roi Candaule de Gide, le Cloître et Philippe II de Verhaeren, peuvent compter parmi les meilleures œuvres de leurs auteurs. Or la rampe les a cruellement desservis. L’effort d’Edouard Dujardin dans Antonia n’a pas réussi. En somme l’histoire spirituelle du symbolisme au théâtre tient dans ce qu’on pourrait nommer l’expérience Maeterlinck et l’expérience Claudel.
Notons d’abord que ces expériences partent du livre et non du théâtre. Ce n’est pas un cas isolé. De Rœderer à Vitet et de Clara Gazul à Cromwell, le théâtre romantique avait débuté par plusieurs années de stage dans le théâtre du livre. Mais il déboucha sur la scène, torrentiellement, avec Henri III et sa Cour, Hernani et la Tour de Nesle. On ne peut pas dire que le théâtre des deux écrivains symbolistes n’ait pas débouché, presque autant que celui de l’auteur de Cromwell : mais ce fut autre chose.