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II
LES IDÉES
En quête d’idées-mères.
La production des idées-mères, sous forme éloquente et littéraire, est la fonction centrale de là littérature française depuis Descartes et Port-Royal. Elle lui donne ses cadres, dessine son relief, s’offre d’abord pour en rendre témoignage. C’est surtout dans cette production des idées-mères que la génération en cours de maturité, celle qui est née entre 1885 et 1905 a plus ou moins fait défaut.

La génération précédente avait fourni à la France et à l’Europe, avec Bergson, l’idée-mère d’une philosophie dynamique, avec Barrès et Maurras l’idée-mère du nationalisme. Ces idées-mères avaient eu moins d’éclat littéraire, mais plus de rayonnement extérieur qu’au cours de la génération précédente celles qu’on a incarnées dans les noms de Taine et de Renan. Après la guerre, une réaction, inévitable à toutes ces époques-charnières, s’est produite contre elles. C’est ainsi qu’on a affecté de voir dans Bergson le philosophe de l’intuition pure, en partie pour rendre plus facile et plus nécessaire le tableau qui appelait le jeu antagoniste : celui d’une réaction intellectualiste. Quelle plus belle cause à épouser que celle de l’intelligence ! L’Église, avec de forts appuis laïques, favorisait alors une renaissance du thomisme. Il y avait une succession à prendre, comme celle du scientisme après Taine et Berthelot. Les découvertes et les hypothèses scientifiques nouvelles étaient à point pour provoquer l’apparition de cette philosophie également nouvelle qui depuis Descartes n’avait jamais manqué en pareil cas. Enfin on ne s’était jamais