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bre du cinéma ? On voit pareillement les chemins de traverse entre le cinéma et le théâtre qu’ont pu suivre Marcel Achard et Jean-Jacques Bernard. La manière dont ils ont réussi à mettre un accent et de la vie dans ce qui est entre les paroles témoigne du voisinage et de la camaraderie de leur théâtre avec l’art muet.

Avec ce qui fut l’art muet. Le cinéma muet a pu enrichir de ses suggestions le théâtre et aussi le roman, à la manière dont les littératures anciennes ou étrangères ont aidé la littérature nationale. La nécessité de la transposition et d’une création nouvelle sauve l’originalité. Le cinéma parlant, malgré ses immenses ressources matérielles, ou à cause d’elles, n’a réussi jusqu’ici qu’à dégrader littérairement tout ce qu’il a touché. Il a sans doute un avenir littéraire. Il n’a en 1936 de présent qu’anti-littéraire. Nommer un film dans une histoire de la littérature est encore impossible et même contradictoire. La littérature c’est un ordre de ce qui dure, au moins de ce dont on peut sans absurdité présumer quelque durée. Nous n’avons même pas l’idée de ce que peut être un film qui dure, un film, qui, au bout de quelques mois, soit autre chose qu’un almanach de l’autre année. Et encore y a-t-il de précieux almanachs des autres années, comme l’Armana Prouvençau ! Quant à la transposition d’une œuvre littéraire, d’un roman, d’un poème, et même d’une pièce de théâtre, au cinéma parlant, elle n’a jusqu’ici d’importance, comme la Bibliothèque Bleue, que comme dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéressent à la dégradation de l’énergie.

FIN