Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/73

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Le résultat le plus intéressant de ce mouvement intermédiaire entre le mouvement pré-romantique et le mouvement romantique, fut l’enthousiasme qu’il excita chez certains lettrés sinon pour la poésie primitive, du moins pour celle qu’anciennement dans le temps, ou lointainement dans l’espace, avaient exprimés les génies nationaux. La mode et l’influence d’Ossian sont en liaison étroite avec la Romantique. L’ouvrage de Sismondi, sur trente-neuf chapitres, n’en comporte que quatre qui concernent la littérature provençale.. Il va de soi qu’ils sont superficiels. Mais il la nomme, lui fait une place, attire l’attention sur elle, de telle sorte que dès 1816 Raynouard publie son Choix de Poésies de langued’oc et oriente ses recherches du côté d’où va sortir, grâce d’abord à lui, un romanisme scientifique. Il a, dit Gaston Paris « eu le premier l’idée d’embrasser dans une grammaire et un lexique l’ensemble des langues romanes », d’où le « romanisme » des Universités germaniques. Ce que fait Raynouard pour la philologie, Fauriel, un des esprits les plus érudits, les plus cultivés, les plus riches de son temps, le fait plus aventureusement pour l’histoire et la poésie dans son Histoire de la Gaule méridionale sous la domination des Conquérants germains, et son Histoire de la Poésie provençale. La théorie de Fauriel, son super-romanisme qui voyait dans la poésie des troubadours la source de toute la poésie moderne, n’a pas résisté au temps. Mais son enseignement au Collège de France, son rayonnement, ses livres touffus, sont à l’origine du méridionalisme et de la Renaissance provençale qui aboutiront à Mistral. Tous les chemins mènent à Rome, le diable porte pierre, l’échancrure de Genève et de Coppet conduit à Maillane : conclusion bien inattendue d’un chapitre sur la Romantique schlegelienne.