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XI
NAISSANCE DE LA CRITIQUE LITTÉRAIRE
XIXe siècle et Critique.
Le XIXe siècle restera peut-être dans l’histoire le grand siècle, le siècle unique, de la critique littéraire. Au XVIIIe siècle elle se réduisait, même chez Voltaire, à une poussière de sentiments, de goûts, de discussions, de formules, qui firent briller plus d’intelligence qu’ils ne laissèrent d’œuvres originales et durables. Quant au XXe il est loin d’avoir encore remplacé suffisamment les grands critiques morts dans ses premières années.

Le XIXe siècle doit en partie cet avantage à la formation d’une classe bourgeoise, d’une société nouvelle, où se multiplient l’aisance et les loisirs favorables à la lecture et aux exercices de l’esprit, — à la révolution de la presse, à la création d’une presse littéraire, journaux et revues (ainsi l’histoire de la critique dramatique a tourné pendant près d’un siècle autour du feuilleton des Débats, et, du Globe de 1824 au Temps de 1868, en passant par les deux Revues de 1830, et la carrière critique de Sainte-Beuve a été commandée par une vie de journaliste), — aux habitudes de la nouvelle Université, de la Faculté des Lettres, de l’École Normale, par qui se crée une critique de la chaire, rivale pas toujours cordiale de la critique des journaux, — aux oppositions d’idées et de formes littéraires contraires, classiques et romantiques, idéalistes et réalistes, dont les drapeaux sont tenus et les batailles livrées par la critique, — au phénomène, presque nouveau, des goûts littéraires renouvelés par la mode des générations littéraires hostiles qui opposent, tous les trente ou quarante ans, comme