V LE TEMPLE DES DÉFINITIONS
Cet accent placé sans cesse sur les valeurs positives implique naturellement le désir de la certitude, le besoin nécessaire de se référer à la certitude et de produire des certitudes. « Si les petites passions, celles qui ressemblent à des vices, s’accommodent du vague de l’inconnu, ou des vacillations d’une demi-lumière, les passions fortes ont besoin d’une pleine certitude, comme la vie a besoin de beaucoup d’air et de beaucoup d’eau[1]. » Et en effet le besoin de certitude, l’horreur du doute, ressemblent au besoin de la vie et à l’horreur de la mort. C’est comme citadelle parfaite du dogmatisme, comme architecture d’affirmations que M. Maurras admire l’édifice catholique. « Rien au monde n’est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes, si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l’admettre n’ont jamais pu se plaindre sérieusement d’avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu’il devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l’incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir[2]. » L’envie que porte à une âme toute catholique M. Maurras, l’ardeur avec laquelle il a cherché vainement la foi, ne sont nullement, comme des adversaires religieux le lui ont reproché, des attitudes feintes. Elles correspondent rigoureusement à sa faim de certitude, à son sentiment de l’intelligence, à sa conception du spirituel.
De là une logique et une ontologie non à l’état de doctrine développée, mais à l’état de directions et de tendance. Toutes deux de figure assez nettement scolastique. M. Maurras aurait été le plus pur scolastique de son temps si Durkheim n’avait pas existé.