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INTRODUCTION

Chez un spécialiste de style comme Guez de Balzac, un spécialiste d’idées comme Montesquieu ou Taine, M. Maurras ou M. Bergson, le troisième paraîtra prépondérant, presque exclusif.

M. Barrès a dit quelque part son goût pour ces constructions bipartites comme l’Entretien avec M. de Saci, qui opposent l’une à l’autre, éclairent et vivifient l’une par l’autre les deux pentes ou les deux natures d’une réalité. La critique, lorsqu’elle s’occupe de M. Barrès, l’aperçoit tout de suite dans cette duplicité. Elle voit en lui, pour parler en gros, l’égotiste d’une part, le nationaliste d’autre part, — et, selon qu’elle ressent plus de tendresse pour l’un ou l’autre, elle regrette le délicat mort jeune, le Lazare devenu fanatique en Gaule, ou bien elle tue le veau gras. M. Barrès, bien placé pour savoir à quoi s’en tenir, affirme l’unité de sa ligne, demande à l’analyse de la respecter et même de la souligner, refuse le veau gras que l’épée académique veut occire pour lui, et marque que le Philippe des Amitiés est bien le fils du Philippe du Jardin. M. Barrès a évidemment raison. Mais si la ligne est une, elle n’est pas rigide ; elle ondule selon un rythme fondamental qui se retrouve dès les premiers livres de M. Barrès, même dès ses premières pages, et a toujours comporté ces deux temps. S’il paraît inexact ou tout au moins sommaire de les placer à deux périodes différentes de sa vie littéraire, il n’en est pas moins juste de les distinguer, de mettre en valeur ce dualisme, de composer, comme il convient à la critique, ce rapport original, constant, d’ombre et de lumière qui commande toute l’œuvre de M. Barrès. Aussi le premier de nos trois registres peut-il, pour la clarté, comporter deux versants, l’un incliné vers un ordre individuel et l’autre Vers un ordre social. De là les quatre parties de l’analyse qu’est ce livre[1].

  1. La plupart des livres de M. Barrès s’étant promenés constamment d’un éditeur à un autre, voici les éditions auxquelles se réfère la pagination : Sous l’œil des Barbares  : édition originale Lemerre. — Un Homme Libre, Trois Stations de Psychothérapie : réimpression Fontemoing. — Le Jardin de Bérénice, Au Service de l’Allemagne, édition populaire Fayard. — L’Ennemi des Lois, petite édition Crès. — Du Sang, de la Volupté et de la Mort. — Les Déracinés et l’Appel au Soldat : édition Fasquelle. — Leurs Figures, Scènes et Doctrines du Nationalisme, Les Amitiés Françaises, le Voyage de Sparte, Colette Baudoche, Amori et Dolori Sacrum, édition Juven. — Les œuvres suivantes : édition Émile Paul. — Ce sont les éditions que je me trouvais avoir sous la main quand j’écrivais en 1917-1918 les différentes parties de ce livre, et je perdrais inutilement du temps en les ramenant à l’unité d’une pagination rationnelle.