C’est l’intelligence mécanicienne, l’intelligence de l’homme artisan qui, dès qu’elle voit un objet, le voit sous un aspect de fabrication et comme un assemblage de parties. Comment dépasser ce point de vue mécanicien pour nous placer directement au point de vue de la nature, et dans le courant créateur de l’élan vital ? Si nous étions obligés de sauter de là directement dans la philosophie, peut-être n’y arriverions-nous pas. Mais l’homme n’est pas seulement artisan, il est artiste. Et la genèse de l’œuvre d’art ne se fait pas hors de nous, dans le laboratoire de la nature. Elle se fait près de nous, dans un laboratoire humain. Cette genèse, tout en impliquant l’intervention de l’intelligence mécanicienne, ne dépend pas absolument d’elle. Elle nous renseigne sur l’effort de la nature, elle participe de sa simplicité. « Arrêtons-nous, dit M. Bergson (dans sa Notice sur Ravaisson, lue à l’Académie des sciences morales) devant le portrait de Mona Lisa ou même devant celui de Lucrezia Crivelli : ne nous semble-t-il pas que les lignes visibles de la figure remontent vers un centre virtuel, situé derrière la toile, où se découvrirait tout d’un coup, ramassé en un seul mot, le secret que nous n’aurons jamais fini de lire phrase par phrase dans l’énigmatique physionomie ? C’est là que le peintre s’est placé. C’est en développant une vision mentale simple, concentrée en un point, qu’il a retrouvé, trait pour trait, le modèle qu’il avait sous les yeux, reproduisant à sa manière l’effort générateur de la nature. »
L’art nous donne une idée de cet effort générateur de la nature, mais cet effort, générateur n’en reste pas moins réfracté dans notre nature mécanicienne, il ne produit des œuvres viables que s’il passe par les catégories pratiques de l’homo faber.
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
Polissez-le sans cesse et le repolissez !