Page:Thibaudet - Gustave Flaubert.djvu/286

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Conclusion


Il est peut-être un peu artificiel de considérer Flaubert, selon la formule courante, comme une sorte d’hermès avec une face romantique et une face réaliste. Si on met de côté les écrivains du XIXe siècle qui ont suivi la tradition du XVIIIe siècle, on voit tous les autres combiner, en des proportions diverses, romantisme et réalisme. M. Pellissier a écrit un livre sur le Réalisme des romantiques. On en écrirait facilement un autre sur le romantisme des réalistes. Hugo, Gautier, Baudelaire sont à la fois des romantiques et des réalistes. Zola a toujours été renvoyé d’une raquette à l’autre. Et nous avons vu le symbolisme, pointe extrême du romantisme, sympathiser, dans un clan qui va de Huysmans à Gourmont, avec un naturalisme intégral dont Thyébaut, s’il eût publié, eût figuré le Mallarmé.

C’est que ce romantisme et ce réalisme communient fréquemment en un point, ont une acropole commune, qui est l’état de mépris de protestation ou d’ironie de l’écrivain à l’égard de la société. L’un et l’autre ont eu le bourgeois pour ennemi, en un temps où la société active, réelle et solide, était faite des classes moyennes. La littérature se construirait donc alors en lutte contre les formes sociales qui l’ont fait naître, si d’autre part le XVIIe et le XVIIIe siècle ne s’étaient prolongés, dans une certaine mesure, avec les Stendhal et les Sainte-Beuve, si Balzac n’existait pas, et si le poids d’une situation ou d’une nature bourgeoise, chez Flaubert comme chez Hugo, n’eût rétabli quelque équilibre.

Entendons donc ces termes de lutte et de bourgeois dans