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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/112

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l’éléphant et la baleine, cette figure facétieuse de nos luttes cosmiques.

Il n’y eut dans cette guerre que deux batailles décisives, deux batailles navales, Syracuse et Ægos-Potamos. Les Lacédémoniens, sans devenir jamais eux-mêmes des marins, commandèrent les marines de leurs alliés, et les subsides des Perses, joints à leur trésor public, leur donnèrent des vaisseaux et des équipages qui finalement balancèrent ceux de leurs ennemis. La victoire de Lysandre fut faite de sa suprématie maritime. La guerre du Péloponèse n’en conserva pas moins ce caractère fondamental d’une lutte de la terre et de la mer. La colère des Lacédémoniens se prend à tous les peuples maritimes, à tous les hommes de mer, à moins bien entendu qu’il ne s’agisse de leurs alliés. Ils massacrent les équipages des navires, tant neutres qu’athéniens, comme si tout ce qui est marin leur paraissait contraire à ce génie nu de la cité dont Lacédémone se fait gloire de conserver et de proposer en exemple l’épure parfaite. Comme la guerre de 1914 l’a mieux montré encore, les marines neutres, lorsqu’elles ne sont pas assez puissantes pour constituer une rivalité dangereuse, deviennent par position des annexes de la marine maîtresse, sont considérées par la puissance continentale comme des alliées de son ennemie. Les marines neutres ne peuvent en effet faire du commerce qu’avec celle-ci, lorsqu’elle est assez forte pour maintenir le blocus de l’État continental adverse. C’est, dans la mesure où le permettait l’état des marines antiques, la situation d’Athènes et du Péloponèse, puisque la flotte athénienne peut ravager à son gré les côtes péloponésiennes, institue des blocus locaux par ses stations de Naupacte et de Pylos, encercle même Corinthe par