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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/129

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l’Allemagne au moment de la guerre avec l’Amérique, à l’un de ces tournants décisifs où il faut tout engager, tout risquer pour tout gagner ou pour tout perdre. Elle se sent et se sait entraînée par la logique de la guerre totale. « Nous ne sommes pas libres de modérer à notre gré notre volonté de commander. » Cette volonté ressemble à un être, c’est une Idée de domination qui tend d’elle-même et malgré tous les obstacles à se réaliser. Le risque était beau. L’expédition de Sicile, menée par Alcibiade, pouvait réussir. Si elle avait réussi l’histoire de la Grèce et de la civilisation humaine eussent été changées. Athènes eût formé pour cinquante ans ou pour un siècle la tête d’un empire maritime qui se fût imposé à la Méditerranée orientale, la carrière de l’expédition des Dix mille, celle d’Agésilas eussent fait place à une conquête effective du monde oriental, et l’hellénisation de l’Égypte et de l’Asie, en avance d’un siècle, eût été conduite avec moins de déchet et de tumulte barbare qu’au temps des diadoques.

Le parti de la guerre est seul installé à même la fortune d’Athènes, seul marche en sentant derrière lui qui le poussent, brise ou tempête, les destinées de la patrie. Les sept années de la paix de Nicias paraissent comme un état impossible et absurde où l’on ne peut demeurer. Cette paix est pourtant faite par les gens les plus raisonnables, accueillie par tous, sauf sans doute par les fournisseurs et les profiteurs, avec les sentiments de Dicéopolis dans la pièce d’Aristophane. À Sparte et à Athènes le parti de la guerre a été en une même bataille décapité de ses deux chefs, Brasidas et Cléon. Les Athéniens sont découragés par leurs échecs de Délion et d’Amphipolis, les Lacédémoniens cherchent toujours à récupérer leurs prisonniers de Sphactérie. La confiance