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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/59

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Ainsi un homme cherchant uniquement le vrai et le trouvant intégralement, le reste lui est donné par surcroît. C’est par l’intensité même de sa réaction contre l’Iliade que la Guerre du Péloponèse nous paraît équilibrer l’Iliade. Alors qu’Hérodote s’engage avec joie, vieil Ionien à la robe traînante, à la cigale d’or, dans le grand chemin homérique, Thucydide, comme Platon, mais pour d’autres raisons que lui, méprise les poètes habitués à amplifier et à embellir (I, 10). Il sait isoler dans Homère les matériaux qui peuvent être utilisés par l’histoire. Évidemment il croit à l’existence d’Homère et à la guerre de Troie, et il n’a pas tort : nous savons que Troie fut prise et brûlée antérieurement au siècle homérique, et nous ne pensons plus que l’Iliade se soit faite toute seule, ou ait été trouvée dans le chou populaire comme nous le chantaient mère l’Oye ou père Loup (je veux dire Auguste Wolf). Mais dans la discussion critique que Thucydide fait des données homériques, tout se passe comme si le siège de Troie était un épisode secondaire. La présence des Grecs en Ionie est avant tout une dispersion ; « la nécessité de se procurer des vivres les contraignit à cultiver les terres et à courir le pays ». L’histoire aujourd’hui suit la direction indiquée par Thucydide : cette dispersion en laquelle consiste précisément la colonisation ionienne, elle l’étend dans l’espace en constatant une colonisation sporadique qui va jusqu’à Chypre, et dans la durée en la répartissant sur plus d’un siècle. De même il nous conduit à penser (I, 12) que le retour des Grecs ainsi que leur départ est