Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/74

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qu’aucun d’eux ne peut tenir et que tient l’historien lui-même : c’est celui qui développe l’ensemble de la guerre, celui où les causes ne sont plus incorporées à des personnages, à des passions, à des discours, mais dégagées et formulées au-dessus des individus et des cités, comme des lois de la nature humaine. Là paraît à l’état géométrique et pur ce schéma de la causalité historique, aussi neuf chez Thucydide que le schéma mathématique chez Pythagore, le schéma métaphysique chez Parménide, le schéma physique chez Démocrite.

Et, dans la mesure où le mot schéma a un sens quand il s’agit du dessein poétique, que le schéma de la poésie dans Homère. Précisément la façon dont Thucydide (I, 9) comprend les causes de la guerre de Troie nous apporte un exemple du schéma historique opposé à la genèse poétique. La guerre du Péloponèse a posé entre les cités grecques, et au sommet de l’histoire grecque, le problème de l’hégémonie. C’est à la lumière de sa guérie que Thucydide considère la guerre de Troie, comme à la lumière de 1914 nous voyons plus clair dans les guerres de la Révolution, de Louis XIV, de Charles-Quint, et le problème principal lui paraît celui-ci : les Grecs devant Troie étant commandés par le roi de Mycènes, Mycènes devait être en Grèce la puissance prépondérante. Quelles étaient les causes de cette prépondérance ?

Thucydide ne veut pas que nous la révoquions en doute sous prétexte qu’on ne trouve rien de grand dans la Mycènes abandonnée de son époque. Si Lacédémone et Athènes, dit-il, subissaient le même sort, la postérité qui les jugerait sur leurs ruines croirait la puissance de Lacédémone bien inférieure et celle d’Athènes supérieure du double à ce qu’elles sont réellement. La puis-