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Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/90

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marine athénienne sont morts à leur bord, ou sur l’Asinaros, ou dans les Latomies, ou servent là-bas comme esclaves. Il a fallu improviser un personnel nouveau, moins expérimenté, moins discipliné, plus criard. La logique démocratique brise alors la marine en trois coups. Ce sont d’abord les événements de Samos, où la flotte devient une ville de bois insurgée contre le gouvernement de la ville terrestre. C’est ensuite l’affaire des Arginuses, où le peuple, formé en partie de marins débarqués, en envoyant à la mort les généraux qui ont donné la victoire à Athènes, démoralise le commandement et fait tout pour que cette victoire soit la dernière. C’est enfin la journée d’Ægos-Potamos, où Lysandre n’a qu’à cueillir le fruit qui lui est préparé par l’indiscipline des marins athéniens. À ce moment d’ailleurs les équipages nationaux qui avaient composé l’ancienne marine n’existent plus. Athènes comme Lacédémone recrute les siens, avec son argent ou celui des Perses, dans les marchés de mercenaires. La glorieuse histoire de la ville de bois, qui a été de Salamine aux Arginuses, est définitivement close. Mais l’histoire de Thucydide ne traite que de sa période agissante, de son âge héroïque, de sa lutte puissante pour l’hégémonie de la Grèce et de la mer.

Or, en ce temps, si Athènes est une démocratie tempérée par les nécessités d’une marine, la marine athénienne est à son tour lestée plus qu’entravée par de solides attaches terriennes. Évidemment l’opposition subsistera toujours entre les propriétaires dont Aristophane est le porte parole et les hommes de la mer. C’est précisément ce qui fait la différence entre Athènes et une pure place de commerce comme Corinthe. Les grandes puissances maritimes et coloniales sont celles chez qui