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CHAPITRE XI

LA VIE IDÉALISTE

Des mots propres à caractériser l’œuvre de Mallarmé, aucun ne reviendrait si souvent que celui d’idéalisme. Terme, d’ailleurs, à signification très large, et qui fut tiré vers toutes les directions de la langue littéraire. Bien que Mallarmé n’ait pas une nature de philosophe, ce mot s’applique bien à lui dans le sens, ou plutôt dans les deux sens, à simple différence d’accent, où l’ont pris les philosophes : celui d’un idéalisme critique, pour qui toute réalité n’est que sensation ou qu’intelligence possibles ; celui d’un idéalisme constructif, platonicien, qui dans les objets ne voit que leur essence intelligible et se crée, pour la vie de l’esprit, un monde de ces essences.

Mais ce serait, je le répète, une erreur que de relier l’idéalisme de Mallarmé à des racines philosophiques, de le rattacher à l’influence de penseurs dont il n’a sans doute rien lu. Ne croyons pas à ces lignes de M. Mauclair : « La conception fondamentale de Stéphane Mallarmé procède directement de l’esthétique métaphysique de Hegel, et l’on peut dire, si l’on veut résumer d’un mot sa personnalité, qu’il fut l’application systématique de l’hégelianisme aux lettres françaises. L’idéa-