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CHAPITRE XII

LES PUISSANCES DE SUGGESTION

On ne saurait distinguer ce qui, dans l’obscurité de Mallarmé, est involontaire et ce qui est systématique. D’autre part se demander si elle se rapporte et ce qui s’en rapporte à son style ou bien à sa pensée paraîtra moins raisonnable encore. Croyons seulement à la moitié de ce que dit M. Arthur Symons : « Mallarmé était obscur moins en ce qu’il écrivait autrement, qu’en ce qu’il pensait autrement que le vulgaire. Son esprit était elliptique, et, ayant pleine confiance en l’intelligence de ses lecteurs, il négligeait les liens entre ses idées[1]. » Si cette obscurité tenait en effet à sa pensée, c’est pourtant sur l’obscurité de ses mots, de son expression, qu’il fonda sa doctrine esthétique la plus connue, celle selon laquelle la poésie, puissance de suggestion, ne s’impose point du dehors et totale au lecteur, mais porte un sens qui naît de sa collaboration personnelle, de sa sensibilité sympathique, et d’un effort qui continue celui du poète.

« Mallarmé, à qui on demande, avec toutes sortes de circonspections, s’il ne travaille pas dans ce moment à

  1. The symbolist movement in literature, by Arthur Symons.