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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

La méfiance avec laquelle plus d’un lecteur commence cette page est justifiée. Mallarmé est un auteur obscur, et, comme ceux-là qui ont écrit sur lui se sont gardés de l’éclaircir, on l’a pris pour un auteur inintelligible. Sur l’homme tout a été dit, avec précision et tact, par ses amis, une élite, de sorte que son portrait extérieur nous est convenablement connu. Sur le poète et sa poésie, peu de chose.

« La raison, écrit Brunetière dans son Évolution de la Poésie lyrique au XIXe siècle, pour laquelle je n’ai pas parlé de M. Stéphane Mallarmé, est qu’en dépit de ses exégètes, je ne suis pas arrivé à le comprendre ; cela viendra peut-être. » Je ne sais à quels exégètes, en 1893, pensait Brunetière. Mais je crois que son mot final est sérieux, et qu’il n’estimait pas inintelligible, après une étude, ce qui alors lui échappait.

J’ai tenu, dans ce livre, à voir clair et à parler net : c’est dire que je n’ai pas abordé en mallarmiste Mallarmé. J’y ai tenu dans la mesure de mes moyens et aussi dans celle du sujet ; cela si souvent eût été le trahir que je ne regrette qu’à demi de n’y avoir réussi qu’à demi. Quelque différence qui soit de lui à un autre poète, je l’ai étudié comme un autre poète, je l’ai ramené, trop souvent peut-être, à cet ordre commun d’où tout son effort est de fuir. Qu’il demeure, après un tel