du pain par un métier douloureux. Et dans ce Non ! tient tout le paradoxe mallarméen, tout ce qui éveilla autour de lui tant de dérision et de stupeur.
Ce Non ! qu’il n’a pas expressément formulé, ressort des théories que j’ai pu exposer de lui. Il ressort de sa poésie et de sa prose telles qu’on doit les comprendre. Il ressort aussi — et mieux encore — de ce que sont cette poésie et cette prose pour la foule qui se détourne d’elles, n’y reconnaissant point le calqué de la parole.
Pour Mallarmé la fin de l’écriture, sous la forme la plus haute, sa forme d’art, est non pas de rappeler des paroles, mais de susciter directement la méditation et le rêve. Et cela tient à la nature même, pour qui l’approfondit, du Livre. On ne lit pas en commun, comme on parle, on lit pour soi. Médiocre substitut de la parole, le Livre garde, hors d’elle, sa vertu propre.
La ponctuation, ensemble de signes visuels, a pour rôle de remplacer dans le Livre tout ce qui dans la parole est réservé à des moyens oratoires. Toute éloquence écrite, même toute prose, conserve, invisible et présent, le langage des gestes dont peu à peu elle émana, et qui, à la tribune et dans la vie, continue à l’envelopper et à la soutenir. La prose de Mallarmé, comme une conversation anglaise, élimine cette survivance du geste, n’invoque que des éléments de pensée. Ne pas écrire comme on parle, d’une parole faite par l’usage et pour lui, d’une parole qui dispense de pensée et pourrait se remplacer par un échange de monnaie, — mais écrire comme on pense, comme on rêve, pour que l’on puisse penser et rêver plus et mieux. (Et nous vous expliquons ainsi que, sans qu’il y ait contradiction, la prose de Mallarmé soit aussi l’hyperbole d’une prose parlée). La doctrine mallarméenne du Théâtre et du Ballet imaginera précisément un passage immédiat de l’écrit à la pensée et au rêve, sans l’intermédiaire, sans la douane âpre de la parole.
De sorte que la ponctuation, présence de ce qui, dans la pensée, ne cristallise pas, la ponctuation se conçoit