Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/399

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pât le roseau pour ses lèvres, une apparition, dans quelque source, do nudité blanche, prélude, qui sitôt s’est enfuie ? Rien, autour, que l’heure fauve do midi, rien qui rappelle la belle vision. Mais il suffit, pour tout recréer, quo s’érige le lys musical de la Syrinx.

Alors m’évcillerais-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot de lumière.,
Lys ! et l’un de vous tous par l’ingénuité.

Ce n’est point le baiser qui a mis dans le sein du faune le germe frémissant du lys d’amour qu’il de- vient : ce sein

atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent,

celle de la poésie, qui est l’essence de l’amour. Elle a pour confident

Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue ;
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ;
Et de faire, aussi haut que l’amour se module,
Evanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos
Une sonore, vaine et monotone ligne.

Si celte analogie se retrouve dans la version primi- tive, la date incertaine n’en saurait alors être placée avant le séjour du poète à Londres.

Ligne de musique qui résume la chair ainsi que la ligne des horizons résume les paysages, — ligne exhalée du lys ou du jonc, et qui, s’étalant droite, la répète comme dans la dimension inverse. Sous le ciel, tout, par la syrinx, se transmue en une vibration simple, en une clarté nue.

La Syrinx tient, aux mains privilégiées, l’instrument des fuites ». Fuites vers la beauté intérieure qui fait