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480 LA POÉSIE DE STÉPHANE MALLARMÉ

sur la chanson grise où l’imprécis au précis se joint ». Certes je ne dis pas cela pour AI. Mauclair dont j’admire la carrière de lettres digne et probe, mais seulement, sur cette pente inclinée de sa nature, plus encore que sur la discipline dont il put la corriger, il me paraît naturel de susciter quelque image mallarméenne.

A l’opposé presque exact il faudrait situer un très rare esprit, qui entra plus près que tout autre dans l’intimité, dans la pensée vivante de Mallarmé, M. Paul Valéry. Il a suivi Mallarmé dans son mouvement de concentration, d’abstraction, dans son respect pour la pensée silencieuse, pour la parole essentielle, pesée et méditée en tout son métal pur. Schopenhauer note à plusieurs reprises que strictement un philosophe n’a plus, depuis H783, le droit de poser ses problèmes comme si la Critique de la Raison Pure n’avait pas été produite. M. Paul Valéry parut comprendre qu’un littérateur n’a" plus le droit d’écrire comme si Mallarmé n’avait pas existé, comme si Mallarmé n’avait pas joué sa vie sur les raisons du fait littéraire, comme si du passage de Mallarmé dans l’art du livre, cet art ne gardait pas sinon le cachet, du moins l’inquiétude d’une perfection que jusqu’alors on ne soupçonnait pas. « Une impossi- bilité définitive de confusion entre la lettre et le réel s’impose ; et une absence de mélange des usages mul- tiples du discours », dit-il. Des pages éparses de prose, d’une densité saisissante, nous font entrevoir la direc- tion dans laquelle médite M. Paul Valéry. Mais ce qu’il en a jusqu’ici publié a trait, surtout, au problème mal- larméen, forme, et non matériel, de la Littérature.

Uhe œuvre de M. Valéry nous conduit sur cette route et semble parfois fournir une conclusion provisoire à la pensée de Mallarmé. C’est la Soirée avec M. Teste.

« Chaque grand homme est taché d’une erreur. Chaque esprit qu’on trouve puissant, commence par la faute qni k fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu’il faut pour le rendre perceptible, l’énergie, âissipée à s.e transmettre $t à pré-