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Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/464

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460 LA POÉSIE DE STÉPHANE MALLARMÉ

mite du Parnasse il était logique que l’on trouvât une cristallisation de poésie pure. Sur sa culture livresque il était naturel que se levât l’Idée mallarméenne du livre.

L’effort de Mallarmé nous apparaît ainsi au bout de trois de nos grandes routes littéraires, préciosité, roman- tisme, Parnasse, au bout de ces routes non comme un point stable d’arrivée, mais comme une frontière, un mirage. Bien qu’il ait été vraiment unique, différent, plus qu’un autre, de tout autre, sa place nous devient plus intelligible quand nous le rapprochons d’un con- temporain souvent nommé avec lui, le a magnifique’ aîné qui leva l’archet », Verlaine. Tous deux commu- nient dans la même sortie du Parnasse, le même besoin d’une poésie fluide, purifiée, essentielle, — besoin qu’en 1820 satisfirent plus glorieusement les Méditations.

IP figure dans notre langue la tentative extrême pour libérer la poésie de matière, de développement, et la lit- térature de clichés. Dans les cinq cents pages de son œuvre complète, tient un labeur immense : il voulut quo chaque mot, repris avec un sens neuf, parût créé pour la place expresse qu’il occupait, parût né non d’une lan- gue où des milliers d’emplois l’avaient usé, mais d’une langue en état perpétuel de vigilance et de tension. Il prétendit, à une époque de raffinement et de conscience où la gageure en devenait d’autant paradoxale, et lui- même par des moyens de raffinement et de conscience exaspérés, rendre au* poète son nom et son sens de créa- teur. Il voulut tenacement, subtilement, fuir, fuir en une flèche où la matière s’allège à ne plus être, presque qu’une direction, un sens vers la hauteur, « La Poésie, ou ce que les siècles commandent tel, tient au sol, avec foi, A la poudre que tout demeure ; ainsi que de hautes fondations, ’dont l’ombre sérieuse augmente le soubas- sement, le confond et l’attache. Ce cri de pierre s’unifie vers le ciel en les piliers interrompus, des arceaux ayant un jet d’audace dans la prière ; mais enfin, quelque im- mobilité. J’attends que, chauve-souris éblouissante et