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CONCLUSION 467

en terminanf sa tentative. Il a, pour raison d’exister, deux extrêmes alternatifs, celui d’un art conduit à son point de maturité, celui d’un art aigu qui fuit plus loin que tout point donné, — celui du définitif et celui de l’indéfini. Et si, de ce Mallarmé imaginaire, je reviens au poète dont je vais cesser de parler, il me semble que lui aussi a mis son idée dernière de poésie là où Léonard a posé son idée suprême de peinture. De commencer par le sonnet de Salut et de se terminer par le sonnet Mes bouquins refermés, le mince tome des Poésies prend une harmonie et comme l’unité d’un cristal. Le premier sonnet, presque sans mots, et d’une ligne, comme une fine statuette, figure l’Effort. Le dernier sonnet met à la fin du livre, légère, héroïque conquête sur le hasard, plume d’Un coup de Dés, met, schème de cet effort devenu patent, un signe double : la double figure de l’art mallarméen, perfection d’abord de fruit absolu, mûr comme une tirade racinenne ou un morceau doré de marbre grec.

Qu’un éclate de chair humain et parfumantl

— mouvement, ensuite, de la fuite vers ce qui ne peut" être possédé :■

Le pied sur quelque guivre où noire amour tisonne, Je pense plus longtemps peut-être éperdument A l’autre, au sein brûlé d’une antique amazone.

N’est-ce point là ce Saint-Jean même où Léonard, sur la fin do sa vie, exprima l’Idée pure cette vie ? Dans le miraculeux clair-obscur, dans la fleur de nouvelle lu- mière où se fondent, comme la beauté mêlée de l’éphèbe et de la vierge, une clarté prise au secret des yeux, une obscurité dérobée à la tendresse des paupières, voici que s’est modelé, par cette épaule nue du jeune Précurseur, le fruit parfait do la chair : et sur la souple courbe, sur l’élastique pulpe, le regard même, glissant, on le dirait arrondir la paume d’vne main idéalisée. Mais à cette plé-