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Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/53

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ne risque d’accrocher à leur crudité, puis d’y confondre selon des torsions le bizarre de sa propre chimère[1] ».

Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées
D’où l’on tourne l’épaule à la vie...

disait-il dans les Fenêtres, rêvant

D’enfoncer le cristal pour le monstre insulté
Et de m’enfuir avec mes deux ailes sans plume
Au risque de tomber pendant l’éternité.

Ensuite, toujours, il a tourné l’épaule à la vie

Pour n’avoir pas connu la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui,

(Le Vierge.)

mais, cette fois, dans un mouvement opposé de concentration et d’intimité, celui dont la Maison du Berger dessine fraternellement le schème ancien. Il s’est fait, un peu par nature, un peu par conscience d’impuissance mêlée à l’orgueil de la perfection, un peu par tact, par délicatesse, par souci de tenir une place qui ne gênât pas, un peu pour les besoins de son art, l’homme de l’intérieur, de l’ombre, de la maison recueillie et de la ferveur solitaire. Direction persévérante que sous d’autres noms nous allons retrouver dans son impressionnisme minutieux, dans sa passion d’artificiel, dans son parti pris d’obscurité, dans sa pureté d’idéalisme.

  1. Divagations, p. 106.