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CHAPITRE VII

LA PRÉCIOSITÉ

On peut imaginer plusieurs détours pour rattacher Mallarmé au courant des lettres françaises, pour lui dresser l’arbre généalogique auquel a droit tout écrivain. L’obscurité de propos délibéré, la tendance à remplacer dans l’expression un système de clarté directe par un jeu de lumières réfléchies, s’appelle la préciosité. Et le précieux, qui chez nous régna en maître, y est demeuré toujours abondant et tenace[1]. Si l’on doit traiter Mallarmé comme une nature d’exception, voilà bien à cette exception une perspective plus générale.

La préciosité, si vivace avant le classicisme, reparaît dans le romantisme avec le style Louis XIII. Elle était, à l’époque où débuta Mallarmé, installée assez solidement au pied et au flanc du Parnasse : Gautier, dans les Emaux et Camées, Banville partout, lui avaient dessiné un visage qui plaisait. Victor Hugo, si attentif à s’annexer les nouvelles terres poétiques, à recréer autour de lui, dans le monde du verbe français, l’image de l’empire aux cent trente départements qu’il parcourait enfant derrière la Grande-Armée, s’était donné largement à

  1. Giraudoux...