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Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/90

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tivement une analogie, trouver une raison de cette analogie. C’est d’ailleurs l’attitude naturelle de la science et de la philosophie. Mais l’esprit de Mallarmé, en dehors de l’une comme de l’autre, paraît apte à formuler des raisons surtout mystiques. Rien dans ce qu’il écrivit ne le montre angoissé par des problèmes religieux, et du catholicisme il n’a jamais parlé que pour en percevoir des analogies littéraires. Mais il recueille dans sa nature beaucoup d’authentiques hérédités chrétiennes. Le monde visible lui fournit, comme à un docteur du moyen âge, les signes minutieux d’un monde invisible et réel, conçu par une imagination de mystique et que s’efforce de rendre à nouveau vivant une sensibilité d’artiste. Si nous remontons aux sources, il continue l’état d’esprit qui naquit dans l’humanité lorsqu’il s’agit pour les Grecs d’Alexandrie d’expliquer la mythologie spontanée de leur race comme une enveloppe de vérités idéales, et qu’ensuite Alexandrie, métropole intellectuelle du christianisme, légua à la religion nouvelle comme une clef précieuse qui permît de faire concorder les deux Testaments chacun à chacun, l’ensemble des deux avec la sagesse grecque. Le captif le plus complet et le plus logique de cet esprit fut Saint Augustin et il trouva dans l’art du moyen âge son efflorescence. Les vers célèbres de Baudelaire,

La nature est un temple où de vivants piliers…

construisent la nature comme une nef gothique. Et Gautier, sur Baudelaire, écrivait dans sa préface des Fleurs du Mal ces lignes qui, de façon exacte, pourraient s’appliquer à Mallarmé : « Son esprit n’était ni en mots, ni en traits, mais il voyait les choses d’un point de vue particulier qui en changeait les lignes comme celles des objets que l’on regarde à vol d’oiseau ou en plafond, et il saisissait des rapports inappréciables pour d’autres, et dont la bizarrerie logique vous frappait ».

M. Camille Mauclair, s’inspirant peut-être de conver-