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d’Europe divisée. Elles ont certes changé depuis cette époque, mais en gardant, le long de ce changement, une ligne intelligible. Leurs figures anciennes demeurent aujourd’hui reconnaissables ; chacune relève d’une tradition qui l’enracine en pleine histoire.

À ces familles d’idées correspondent plus ou moins des systèmes d’intérêts, ceux-ci donnant à celles-là un corps et une matérialité. Mais cette matière et cet esprit ne s’équilibrent pas toujours, et, comme dans les individus, l’esprit peut transcender le corps ou la matérialité commander l’esprit. Quand un parti a réalisé le meilleur de son programme d’idées, il retombe et s’enlise dans des intérêts, une crise s’ouvre pour lui, et son triomphe matériel est, comme la santé pour le médecin, un état précaire qui ne présage rien de bon. Ce fut le cas du « juste-milieu » sous la monarchie de Juillet, quand le libéralisme bourgeois eut donné tout son fruit. Ce serait le cas du communisme prolétarien lui-même, s’il accomplissait sa révolution matérialiste.

Une Grandeur et Décadence des familles