Aller au contenu

Page:Thibaudet - Les Idées politiques de la France, 1932.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Français de demain. Ce jeune Français de demain (vingt ans entre 1894 et 1898…), Léon Bourgeois, en 1890, le voyait comme un Français décatholicisé, formé par la philosophie du xviiie siècle, fils de la Révolution. Quarante-deux ans ont passé. La question n’a pas sensiblement changé, l’idéologie radicale non plus. Celui que Léon Bourgeois appelait le jeune Français de demain est devenu un des vieux Français d’aujourd’hui ; l’École dirigeante, ou le maître d’école dirigeant de notre temps, a toujours pour lui les yeux de Léon Bourgeois. Mais nos yeux à nous lui seraient peut-être plus bienveillants, si l’École Unique ne risquait d’en faire le Français unique. Là est la limite du jacobinisme. La France multiforme ne nous paraît pas destinée à porter le Français unique. C’est mettre ses conjectures à bien haut prix que de tailler quarante millions d’êtres humains, et les enfants de leurs enfants, sur le patron de ces conjectures ! La prédiction radicale de 1890 s’est-elle réalisée au quart ou au tiers ? « Ce serait peu, dit Candide. — Ce serait beaucoup », dit Martin.