Page:Thibaudet - Les Idées politiques de la France, 1932.djvu/56

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gisme et après l’affaire Dreyfus, ont pu être abondamment chansonnés par Montmartre : ils n’en étaient pas moins pour la République ce que la revue de la garde nationale était pour Louis-Philippe ; ils plaçaient le régime au milieu des phalanges qui lui devaient l’être. Évidemment c’est là un libéralisme un peu différent du libéralisme du temps de Tocqueville, à l’anglaise ou à la normande, qui n’allait guère sans le patronage éclairé et bienveillant des tuteurs locaux, était lié à l’influence et solidaire de l’indépendance des notables. Mais enfin, il a réussi, et si le libéralisme politique s’est éteint, c’est un peu faute de cahiers à dresser, de revendications majeures à proclamer, d’abus criants à dénoncer : aux abus murmurants, l’influence des defensores civitatis que sont les députés, la presse, apportent des remèdes jugés suffisants. Au temps de la Ruhr, occupation invisible était une formule bien française : car la République a réalisé en France avec un art étonnant le despotisme invisible, donc supportable. Tocqueville l’avait d’ailleurs prévu dans les dernières pages de la Démocratie en Amérique.