Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/8

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muler les mots, prodiguer ici les rochers, et là les neiges, n’est à mes yeux qu’un jeu puéril et même fastidieux pour le lecteur. Il n’y a de sérieux, d’intéressant, de propre à exciter une véritable admiration, que l’exposé exact et complet des choses comme elles se sont passées. Combien de lieues à parcourir à travers monts, combien de canons, de munitions, de vivres à transporter sans routes frayées, à des hauteurs prodigieuses, au milieu d’affreux précipices, où les animaux ne servent plus, où l’homme seul conserve encore ses forces et sa volonté, le tout dit simplement, avec le détail nécessaire, sans les particularités inutiles, voilà, selon moi, la vraie manière de retracer une entreprise telle que le passage du Saint-Bernard par exemple. Qu’après un exposé précis et complet des faits, une exclamation s’échappe de la bouche du narrateur, elle va droit à l’âme du lecteur, parce que déjà elle s’était produite en lui, et n’a fait que répondre au cri de sa propre admiration.

Telles sont les causes de la lenteur que j’ai mise à composer cette histoire, et de l’étendue aussi de mes récits. Ceci me conduit à dire sur l’histoire, et sur la manière de l’écrire, quelques mots inspirés par une longue pratique de cet art, et par un profond respect de sa haute dignité.

Je ne sais rien, dans les œuvres de l’esprit hu-