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NOTE 8, PAGE 160.



La lettre du comte d'Estaing à la reine est un monument curieux, et qui devra toujours être consulté relativement aux journées des 5 et 6 octobre. Ce brave marin, plein de fidélité et d'indépendance (deux qualités qui semblent contradictoires, mais qu'on trouve souvent réunies chez les hommes de mer), avait conservé l'habitude de tout dire à ses princes qu'il aimait. Son témoignage ne saurait être révoqué en doute, lorsque, dans une lettre confidentielle, il expose à la reine les intrigues qu'il a découvertes et qui l'ont alarmé. On y verra si en effet la cour était sans projet à cette époque.

« Mon devoir et ma fidélité l'exigent, il faut que je mettre aux pieds de la reine le compte du voyage que j'ai fait à Paris. On me loue de bien dormir la veille d'un assaut ou d'un combat naval. J'ose assurer que je ne suis point timide en affaires. Élevé auprès de M. le dauphin qui me distinguait, accoutumé à dire la vérité à Versailles dès mon enfance, soldat et marin, instruit des formes, je les respecte sans qu'elles puissent altérer ma franchise ni ma fermeté.

« Eh bien ! il faut que je l'avoue à Votre Majesté, je n'ai pu fermer l'œil de la nuit. On m'a dit dans la bonne société, dans la bonne compagnie (et que serait-ce, juste ciel, si cela se répandait dans le peuple !), l'on m'a répété que l'on prend des signatures dans le clergé et