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Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/401

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des chartreux vieillis dans la solitude, quitter leur cloîtres et courir au Champ-de-Mars, une pelle sur le dos, portant des bannières ornées d'emblèmes patriotiques. Là, tous les citoyens, mêlés, confondus, forment un atelier immense et mobile dont chaque point présente un groupe varié ; la courtisane échevelée se trouve à côté de la citoyenne pudibonde, le capucin traîne le baquet avec le chevalier de Saint-Louis, le porte-faix avec le petit-maître du Palais-Royal, la robuste harengère pousse la brouette remplie par la femme élégante et à vapeurs ; le peuple aisé, le peuple indigent, le peuple vêtu, le peuple en haillons, vieillards, enfans, comédiens, cent-suisses, commis, travaillant et reposant, acteurs et spectateurs, offrent à l'œil étonné une scène pleine de vie et de mouvement ; des tavernes ambulantes, des boutiques portatives, augmentent le charme et la gaieté de ce vaste et ravissant tableau ; les chants, les cris de joie, le bruit des tambours, des intrumens militaires, celui des bêches, des brouettes, les voix des travailleurs qui s'appellent, qui s'encouragent L'âme se sentait affaissée sous le poids d'une délicieuse ivresse à la vue de tout un peuple redescendu aux doux sentimens d'une fraternité primitive. Neuf heures sonnées, les groupes se démêlent. Chaque citoyen regagne l'endroit où s'est placée sa section, se rejoint à sa famille, à ses connaissances. Les bandes se mettent en marche au son des tambours, reviennent à Paris, précédées de flambeaux, lâchant de temps en temps des sarcasmes contre les aristocrates, et chantant le fameux air Ça ira.

« Enfin le 14 juillet, jour de la fédération, arrive parmi les espérances des uns, les alarmes et les terreurs des autres. Si cette grande cérémonie n'eut pas le caractère sérieux et auguste d'une fête à la fois nationale et religieuse, caractère presque inconciliable avec l'esprit