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NOTE 19, PAGE 254.



Il n'est pas possible que sur un ouvrage composé collectivement, et par un grand nombre d'hommes, il n'y ait diversité d'avis. L'unanimité n'ayant jamais lieu, excepté sur certains points très rares, il faut que chaque partie soit improuvée par ceux qui ont voté contre. Ainsi chaque article de la constitution de 91 devait trouver des improbateurs dans les auteurs mêmes de cette constitution ; mais néanmoins l'ensemble était leur ouvrage réel et incontestable. Ce qui arrivait ici était inévitable dans tout corps délibérant, et le moyen de Mirabeau n'était qu'une supercherie. On peut même dire qu'il y avait peu de délicatesse dans son procédé ; mais il faut beaucoup excuser chez un être puissant, désordonné, que la moralité du but rend très facile sur celle des moyens ; je dis moralité de but, car Mirabeau croyait sincèrement à la nécessité d'une constitution modifiée ; et bien que son ambition, ses petites rivalités personnelles contribuassent à l'éloigner du parti populaire, il était sincère dans sa crainte de l'anarchie. D'autres que lui redoutaient la cour et l'aristocratie plus que le peuple. Ainsi partout il y avait, selon les positions, des craintes différentes, et partout vraies. La conviction change avec les points de vue, et la moralité, c'est-à-dire la sincérité, se trouve également dans les côtés les plus opposés.