Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/124

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instruire les Français dans ce genre de travail. Cependant, en admettant que l’Italie ait eu avant nous des livres dorés et que nous n’ayons fait que suivre son exemple, l’établissement de doreurs italiens à Paris n’en est pas moins fort douteux. En effet, si dans les comptes des maisons de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, du moins dans ceux qu’il nous a été loisible de consulter, et ils sont nombreux, nous avons relevé les noms de quantité d’artisans italiens de professions diverses qui furent amenés par ces princes à la cour, il est de fait que nous n’y avons vu mentionnés ni un relieur ni un doreur.

Les registres de la corporation des libraires-relieurs et ceux de leur confrérie ne contiennent pas non plus, à cette époque ou plus tard, aucun nom italien, aussi bien parmi les maîtres que parmi les compagnons. La dorure des livres ayant du succès, il est certain que, si elle avait été pratiquée au début par des doreurs italiens, quelques-uns de ceux-ci se seraient fixés en France, comme il en arriva pour des musiciens et même des jardiniers. Par conséquent, sans nier l’influence italienne et tout en reconnaissant que la dorure des livres qui eut son point de départ en Orient, nous arriva par l’Italie, il faut croire devant l’absence de preuves du séjour de doreurs italiens à Paris et surtout d’après la supériorité de l’exécution qui, fait très caractéristique, se remarque déjà dans les œuvres françaises de ce temps, que, pour la dorure sur cuir appliquée aux livres, les artisans parisiens s’initièrent, sinon entièrement d’eux-mêmes, mais pour le moins très promptement à ce nouveau procédé.

Si les dessins de fers à dorer, dont on se servit à Paris au commencement du xvie siècle, appartiennent bien au style italien d’alors, si beaucoup de ces fers furent même gravés en Italie[1], il n’en est pas moins vrai que les artistes français imaginèrent

  1. On croit que les mentions faites dans certains comptes royaux de cette époque, à propos de fers à imprimer achetés en Italie, se rapportent à des fers à dorer ; c’est, en effet, très admissible ; mais il est à remarquer, ainsi qu’il est facile de s’en convaincre, par l’examen des premières reliures françaises faites dans ce style, quelques volumes de François Ier entre autres, que les fers primitifs dont on se servit n’étaient pas gravés nettement, tandis que ceux qu’on employa par la suite et qui furent gravés à Paris donnaient des contours très fins et très purs.