Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ces contraventions, difficiles à éviter dans une corporation passablement nombreuse, ne donnaient lieu, en somme, qu’à des répressions de simple police, ramenant les délinquants à l’observation des règlements ; mais il n’en fut pas de même quand les intérêts personnels des membres de cette communauté, composée de professions diverses, se trouvèrent en opposition. Il arriva, en effet, que, grâce à l’esprit de chicane auquel semblent généralement disposés ceux qui agissent soi-disant dans l’intérêt commun, alors qu’ils y regarderaient davantage s’ils étaient seuls en jeu, le syndic et les adjoints ne tardèrent pas à entraîner la société dans les procès. Une fois commencés, ceux-ci se suivront d’assez près.

D’après les coutumes de la communauté, les libraires, s’ils le voulaient, reliaient chez eux les livres qu’ils vendaient, et les relieurs, par réciprocité, avaient la faculté de faire le commerce des livres. Quand la vogue des reliures couvertes de dorures prit l’extension que l’on sait vers la fin du xvie siècle, il se forma un grand nombre de doreurs spéciaux. Ne faut-il pas des dispositions particulières et beaucoup de temps pour acquérir l’habileté de main nécessaire à l’exercice de la dorure, et cette profession n’est-elle pas absolument indépendante et différente de celle du relieur cousant et couvrant simplement les volumes ? Le doreur de talent avait la juste prétention de ne pas rester compagnon et voulait se faire recevoir maître, puis, comme tel, se croyait les mêmes droits que les libraires-relieurs ou les relieurs dont il finissait, en les décorant, les volumes qu’ils avaient commencés. Il y en eut donc qui, à côté ou dans leur atelier de dorure, ouvrirent une boutique de libraire et vendirent des livres.

Dans le début, on accorda volontiers la maîtrise aux doreurs ; mais, leur nombre augmentant ainsi que l’importance de leur concurrence comme libraires, le syndic et les adjoints saisirent bientôt la première occasion pour commencer les hostilités.

Claude Bauche, apprenti de Michel Ballagny, doreur, s’étant fait chasser pour « larcins commis » avant la fin de son temps, son père attaqua Ballagny ; le syndic et les adjoints, s’étant joints à l’instance, réussirent à obtenir une sentence du prévôt de Paris