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plus longtemps son indignation ; se levant tout à coup, il s’écria d’une voix tonnante :

« C’est une honte pour un auditoire composé d’hommes qui se prétendent intelligents que de prêter l’oreille à de telles infamies, et de laisser jeter de telles injures à la face de jeunes vierges, d’épouses chéries et de dignes citoyens. Et vous, qui occupez ce fauteuil depuis plus d’une heure, tout ce que vous venez de dire, n’est qu’un tissu de mensonges et de calomnies, et je vous défie de me prouver le contraire. Honte à ceux qui en vous écoutant vous ont approuvé ! Quoi ! laisser proférer de telles paroles dans une assemblée publique et dans un pays ou l’on se vante tant d’assurer la liberté de conscience et d’accorder justice égale à tous ! non, il ne faudrait pas avoir de cœur pour cela. » Et d’un regard noble et tranquille, il se croisa les bras et se tourna fièrement vers l’auditoire.

Un coup de foudre n’eût pas jeté plus de stupeur dans l’assemblée que les quelques paroles de ce vieillard. Tout à coup une clameur épouvantable éclate en même temps de toutes les parties de la salle ; des cris se font entendre, parmi lesquels on remarque les menaces suivantes : Écrasez cet homme. Sortez-le. À bas le papiste, et une centaine de bras se lèvent en même temps pour le terrasser.

Madame Dumont et plusieurs autres dames, affolées par la terreur, s’étaient réfugiées sur l’estrade, où M. Dumont, pâle comme la mort, était comme cloué et incapable de bouger. Seul, le vieillard était calme et restait à sa place.

Déjà des poings menaçants s’élèvent au-dessus de sa tête, les cris redoublent, lorsque Gustave, qui n’a pas perdu son sang-froid, se précipite entre le vieillard et ses assaillants en criant de toutes ses forces :

« Au nom du ciel, reculez-vous ; arrêtez par amour pour Dieu, ne lui faites pas de mal. Dieu défend de faire le mal. »