les pierres ou la boue pour lui sont bonnes dès qu’il peut s’en servir pour se venger de son adversaire.
— J’ose espérer, mon père, se hâta de dire M. Dumont, humilié, que mes paroles ne vous ont point offensé. C’était loin de ma pensée. J’attaque et repousse seulement cette fausse doctrine.
— Il y a un proverbe qui dit, reprit le vieillard avec douceur : il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Prends garde que ce proverbe ne s’applique à toi ! Tu connais les paroles que Jésus-Christ a prononcées, lorsqu’il pleurait sur Jérusalem ; elle aussi avait refusé de voir ; tu connais les malheurs qu’elle a subis, elle et ses habitants. Comme toi, cette ville a reçu son divin Maître dans son sein ; et comme toi elle l’a repoussé. Comme toi, elle l’a acclamé et porté en triomphe, et comme toi, elle lui a craché à la figure, elle l’a insulté et calomnié. Enfin elle l’a mis à mort, comme tu voudrais le faire aujourd’hui en faisant tout ce que tu peux pour détruire son Église. Arrête, cher enfant, ne va pas plus loin, il est temps que tu rebrousses chemin : des précipices sans nombre t’attendent pour t’engloutir à jamais. Dieu, quoique d’une bonté et d’une miséricorde infinies, se lasse de tolérer ; il frappe en un instant ; alors il est trop tard, tout est fini pour l’éternité.
—Ces avis sont peut-être les derniers que je pourrai te donner ; dans une heure tout au plus, je dois partir pour retourner à Montréal et Dieu seul sait si je pourrai revenir. Prends bien garde à cet enfant, que nous avons élevé, et à cette charmante petite fille que Dieu t’a donnée ; n’essaie point de les pervertir par les fausses doctrines que tu as embrassées, car un jour tu en rendras compte à Dieu.
Madame Dumont était émue, Gustave et Alice pleuraient en entendant la pieuse exhortation de ce noble vieillard.
Seul, M. Dumont était impassible ; il paraissait même ne rien entendre.