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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/14

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Donc, Charlot avait réussi à échapper au policier. Il rentra chez lui et se mit à réfléchir à l’extraordinaire aventure qui venait de lui arriver. Ces billets de mille francs qui étaient sortis de sa contrebasse, comment Y étaient-ils rentrés ? Problème ardu dont il eut cependant la solution en trouvant un même billet dans le porte-parapluies qui servait d’étui à son énorme instrument de musique. « J’ai compris ! fit-il, Le voleur poursuivi a jeté les billets volés là dedans pour s’en débarrasser ! » Et Charlot courut chez Labémol afin de lui expliquer l’affaire et de demander le partage du trésor en deux parts égales. Une nouvelle terrible l’y attendait. La concierge du violoniste lui apprit que son locataire était parti sans laisser d’adresse. « Ah ! le bandit s’écria Charlot. Il m’a roulé ! Je suis ruiné ! » Néanmoins, comme il lui restait le billet de mille qu’il venait de trouver, il prit son sac à provisions et alla se ravitailler dans une grande crémerie, voisine de son domicile.

Mais il était dit qu’il jouerait de malheur jusqu’au bout en cette journée néfaste. À peine la crémière eut-elle jeté un coup d’œil sur le billet de banque que Charlot lui tendait qu’elle s’écria : « Mais… ce billet m’appartient ! — Vous… vous croyez ? balbutia Charlot. J’en suis sûre ! Sur tous les billets qui m’ont été volés, j’avais fait une petite croix à l’encre rouge… — Dans ce cas, s’il vous appartient, gardez-le ! » fit Charlot, Il ajouta : « Gardez-le, et daignez accepter mes respectueux fromages ! » C’était hommages qu’il voulait dire et, cependant, ce fut un lot de fromages qu’il offrit à la commerçante pour l’aveugler et protéger sa fuite. D’un coup de pied, il avait fait chavirer une table sur laquelle deux camemberts, trois bondons et un coulommiers, très avancés pour leur âge, faisaient des vers. Le petit commis de la crémerie, voyant sa patronne si mal en point, courut après Charlot fugitif, Et comme il ne pouvait le rattraper, il lui lança dans les jambes une meule de gruyère façon Emmenthal. « Acceptons toujours cette roue de secours ! se dit Charlot.

Ça pourra peut-être servir. » Tout en courant, il atteignit un terrain vague où, parmi les détritus et objets hors d’usage, il eut la chance de trouver une vieille fourche de moto munie de son guidon et une tringle de fer. Il marmonna : « Avec ces deux objets, plus la meule de gruyère façon Emmenthal, je vais fabriquer une trottinette d’une solidité à toute épreuve. Là, voilà qui est fait. Il était temps, du reste, car j’entends la meute lancée à mes trousses, par cette débitante de beurre, œufs et fromages que le diable emporte ! » Charlot sortit du terrain vague en vitesse et grimpa sur son pittoresque engin de locomotion. Comme la rue était en pente, la trottinette alimentaire fit merveille. Et c’eût été un sport charmant, une promenade délicieuse pour Charlot si un agent trop zélé, dans l’espoir de le voir se rendre à merci, ne lui avait tiré des coups de révolver dans les jambes, « L’animal ! Il va crever mes pneus ! ronchonnait Charlot. Il va bien assez de trous dans ce gruyère sans en faire davantage ! »