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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/28

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Charlot n’aurait pas dû s’étonner de se trouver au-dessus des flots marins, puisque la traversée de cette partie de mer se trouvait dans l’itinéraire qui lui était tracé. Mais, en voyant que le Crapaud-Volant montrait de nouveau des signes de défaillance il ne se sentait pas rassuré sur le succès final de son voyage. « Sûr que je vais prendre un bain ! grognait-il. J’aurais dû emporter mon maillot ! Cet inventeur m’a trompé ! Son avion, qu’il m’annonçait plus sobre que le chameau du désert, consomme déplorablement, c’est l’avion-ivrogne ! » Brusquement, il cessa dé ronchonner, vivement intéressé par le manège de deux gros avions qui s’apprétaient à faire des essais de ravitaillement en plein vol. « Tiens, tiens… Voilà mon affaire ! se dit le pilote du Crapaud-Volant. S’il m’est défendu d’acheter de l’essence en cours de route — où l’achèterais-je ici, du reste ? — il n’a jamais été question de m’interdire le ravitaillement, par des moyens détournés. Et, ma foi, si je parviens à saisir le tuyau que lance cet aviateur à son confrère, je pourrai remplir mon réservoir sans bourse délier, conformément au désir de mon patron… » La manœuvre projetée par Charlot réussit parfaitement, du moins dans sa première partie. Attraper au vol le tuyau de caoutchouc fut pour lui jeu d’enfant. Par exemple, il ne fallait pas qu’il compte remplir son réservoir, Le pilote ravitailleur n’allait tout de même pas envoyer de l’essence à ce resquilleur !

« Ça m’est égal ! lui cria Charlot, comme tu vas dans la même direction que moi, je me ferai véhiculer par toi ! » Un coup de couteau trancha le différend, en même temps que le tuyau de caoutchouc. Et le Crapaud-Volant dut continuer sa route, par ses propres moyens. Ainsi livré à lui-même, le petit avion piqua du nez et rasa les flots, tout en brûlant ses dernières gouttes d’essence. « Cette fois, c’est la fin ! gémit l’infortuné pilote. Pas un bateau, pas la moindre terre en vue !… Perdu dans l’immense solitude, entre le ciel et l’eau, les flots vont m’engloutir ! Pincé par les crabes farceurs, je serai finalement dévoré par les requins ! C’est gai ! » Tout à coup, Charlot sentit que l’avion se soulevait brusquement, sous l’effort d’un palmier qui émergeait de l’eau et grandissait… grandissait.… « Un miracle ! » s’écria le pauvre garçon. C’était un miracle en effet, qu’un palmier naissant et croissant ainsi en pleine mer. Miracle, incomplet encore puisque, presque aussitôt, ce fut une île qui se trouva là, sortie miraculeusement des flots. Charlot n’en croyait pas ses yeux, il allait entonner un cantique d’actions de grâces. Mais il s’arrêta, en constatant qu’il avait seulement changé de trépas. « Car, gémit-il, il y a beaucoup de chances pour que cette île soit déserte !… »