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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/43

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Cette fois, Charlot et Nestor étaient fixés sur le sens du mot robot. « Et… qu’est-ce que ça mange, un robot ? avait demandé Charlot au commis de l’agence de renseignements. — Mais. ça ne mange rien, puisque c’est une machine. Le robot est mû, grâce à la cellule photo-électrique et l’utilisation des rayons infrarouges, avait répondu l’employé. — Il me vient une idée ! s’écria Nestor, — Dis-la, fit Charlot, — Puisqu’on demande un robot, tu seras ce robot ! — Tu… je… moi ?… — Pourquoi pas ? Essayons toujours ! » Les deux amis se rendirent au no 153 bis de la rue des Babas. Mme Gâtesauce reçut très aimablement Nestor qui portait Charlot dans ses bras. « Ah ! s’écria-t-elle. Vous m’apportez le robot que je demande ? — Lui-même, madame ! Article soigné, mécanisme inusable, parfaitement au point. Ce sera mille francs, parce que c’est vous ! » Nestor empocha l’argent, fit un petit signe d’adieu à Charlot et s’éclipsa en se frottant les mains d’une si bonne aubaine.

Charlot se mit aussitôt en devoir d’exécuter les ordres de sa patronne. « Suis-moi ! » lui commanda cette dame en lui braquant dans les yeux les rayons d’un petit appareil électrique qu’elle tenait en main. Arrivée dans la cuisine, Mme Gâtesauce dit à Charlot : « Voilà ma domestique-robot tu remplaces, Je suis obligée de m’en séparer parce qu’elle boit, Elle vide sa bouteille de rayons infrarouges dans sa journée. Aussi est-elle, du matin au soir, en complet état d’ébriété. Ton premier travail de robot à mon service va consister en ceci : empoigne-moi cette ivrognesse et jette-la à la ferraille ! » Charlot ne répondit pas, parce que les robots, si perfectionnés soient-ils, ne sont pas doués de la parole. Mais, pour obéir aux ordres de sa patronne, il voulut appréhender la servante-robot, pour aller la jeter sur le tas d’ordures le plus proche. Mal lui en prit. La femme-mécanique qui cuvait ses rayons infrarouges dans un coin de la cuisine se dressa d’un bond et assena un grand coup de bouteille sur le crâne de son remplaçant.

Charlot se retint à temps pour ne pas pousser un cri de douleur intempestif. Il se contenta de s’écrouler sur les carreaux de la cuisine. « Ah ! mon Dieu ! s’écria Mme Gâtesauce. Elle va me l’abimer ! Un robot qui me coûte mille francs ! Si cette enragée continue, cela finira certainement très mal ! » De fait, le robot femelle bondissait dans la pièce, piétinant son successeur. « Heureusement que cette femme en ferraille n’est pas très lourde ! se disait Charlot. Sans cela, elle m’aurait déjà réduit à l’état de galette ! Ah ! je commence à regretter d’avoir accepté l’idée saugrenue de Nestor, Pas si saugrenue que cela, pour lui. Le fourbe a encaissé dix beaux billets de cent francs, et moi rien du tout. Et, où encaisserai-je la part qui me revient dans la combinaison ? Nestor ne m’a pas dit où je pourrais le retrouver… » Pendant qu’il monologuait ainsi en aparté, la domestique-robot s’apprêtait à finir sa carrière en beauté. Survoltée, elle éclata. Et tous les rouages dont elle était formée se dispersèrent dans la pièce.