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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/47

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Une fois de plus, Charlot était chômeur et, pour ne pas changer, aussi désargenté qu’on peut l’être quand on n’a pas un sou en poche. Donc, il déambulait à travers la ville, à la recherche d’une situation, lorsqu’il s’entendit héler : « Hep ! jeune homme ! » lui disait une voix toute proche. Charlot en fut d’autant plus intrigué que la rue était déserte. Personne autre que lui n’en arpentait le trottoir, personne non plus ne se voyait sur le banc. Et pourtant, c’était de là que partait la voix qui disait à Charlot : « Asseyez-vous sur ce banc ! » Instinctivement, Charlot obéit. Aussitôt, la voix reprit, d’un ton colère : « Pas sur moi, idiot ! À côté, il y a de la place ! » Notre héros avait eu la sensation, en effet, de s’asseoir sur les genoux d’une personne assise elle-même sur le banc, Et cette personne supposée reprit : « Marchons plutôt et suivez-moi ! Mais faites donc attention, maladroit ! Vous me donnez des coups de pied dans les jambes ! » Charlot, comme tout le monde, avait entendu parler du fameux « homme invisible ».

Mais il supposait qu’il n’existait que dans l’imagination puissante d’un romancier génial. Et voilà qu’il avait affaire à lui, qu’il le suivait, sur son ordre, et qu’il pénétrait à sa suite dans son cabinet de travail. Cela tenait du prodige. Ce qu’il vit par la suite ne l’étonna pas moins. Vous allez voir ce que vous allez voir ! » annonça la voix, Charlot vit un flacon évoluer tout seul au-dessus d’une cuvette remplie d’un liquide incolore. Il entendit le clapotis caractéristique d’un lavage de mains et, tout à coup, il vit distinctement ces mains se promener dans le vide. Second clapotis dans la cuvette, annonciateur d’un débarbouillage de visage. Presque aussitôt apparut la figure hilare d’un homme déjà âgé. « Comment me trouvez-vous, mon garçon ? » demanda cet homme en pièces détachées. Charlot répondit, sans hésiter : « C’est de la magie ! » Rien de plus fantasmagorique, en effet, que cette vision d’une tête sans corps, de deux mains sans bras se promenant dans la pièce.

La tête dit encore : « Je vous ai assez intrigué, mon ami. Comme j’ai l’intention de vous prendre à mon service en qualité de garçon de laboratoire, il est temps que vous sachiez que votre patron est un homme normal, parfaitement constitué de la tête aux pieds, et inversement. Si je puis me rendre invisible à de certains moments, c’est grâce à un secret que j’ai arraché à la nature, au cours de mes travaux de chimie. » Ayant ainsi parlé, la tête se tut et les mains entrèrent en action pour exécuter les mouvements de quelqu’un qui se déshabille. Et le professeur Picrate, car c’était lui, apparut aux yeux de Charlot, vêtu seulement d’un maillot de bain. « Le reste de mon costume, dit-il, c’est cette combinaison que je fais réapparaître, simplement, en la trempant dans ce liquide, le même que celui de la cuvette, liquide ayant la propriété de remettre les choses au point, « C’est prodigieux ! » avoua Charlot, dont Les connaissances en chimie se bornaient à l’effet du sel marin mis sur le bout de la langue.