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Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/162

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degré plus froide que l’eau de l’un des puits les plus froids du village lorsqu’on vient de la tirer. La température de la Fontaine Bouillonnante, le même jour, était de 45°[1], ou la plus chaude de n’importe quelle eau vérifiée, bien que ce soit la plus froide que je connaisse en été, lorsque, bien entendu, de l’eau de haut-fond et de surface stagnante ne s’y trouve pas mélangée. De plus, en été, Walden ne devient jamais aussi chaud que l’eau généralement exposée au soleil, à cause de sa profondeur. Au temps le plus chaud j’en mettais d’habitude un seau dans ma cave, où devenue fraîche dans la nuit, elle le restait pendant le jour, bien que j’eusse recours aussi à une source du voisinage. Elle était bonne au bout d’une semaine tout autant que le jour où on l’avait puisée, et ne sentait pas la pompe. Celui qui campe une semaine en été sur la rive d’un étang, n’a qu’à enterrer un seau d’eau à quelques pieds de profondeur à l’ombre de son camp pour être indépendant du luxe de la glace.

On a pris dans Walden du brocheton, dont un seul pesait sept livres, sans parler d’un autre qui emporta la ligne à toute vitesse, et que le pêcheur estime en toute garantie huit livres, parce qu’il ne le vit pas, de la perche et des « loups », dont certaines pesant plus de deux livres, des vairons, des meuniers ou gardons (Leuciscus pulchellus), quelques rares brèmes et une couple d’anguilles, dont l’une pesant quatre livres, – si je précise, c’est que le poids d’un poisson est en général son seul titre de gloire, et que ces anguilles sont aussi les seules dont j’aie entendu parler en ces parages ; – en outre, j’ai le vague souvenir d’un petit poisson long de quelques pouces, à flancs d’argent et dos verdâtre, aux allures de dard, que je mentionne ici surtout pour relier mes faits à la fable. Néanmoins cet étang n’est pas très poissonneux. Son brocheton, tout en n’abondant pas, en est le principal orgueil. J’ai vu reposer en même temps sur la glace du brocheton d’au moins trois espèces différentes ; une longue et effilée, couleur d’acier, fort ressemblante à ce que l’on prend dans la rivière ; une espèce d’un beau doré, à reflets verdâtres et particulièrement large, qui est ici la plus commune ; et une autre couleur d’or, de même forme que la dernière, mais mouchetée sur les flancs de petites taches brun foncé ou noires, entremêlées de quelques autres rouge sang éteint, un peu comme une truite. Le nom spécifique reticulatus ne devrait pas lui être appliqué, mais bien plutôt guttatus. Tout cela, c’est du poisson solide, et qui pèse plus que ne promet sa taille. Les vairons, les « loups », et aussi la perche, à vrai dire tous les poissons qui habitent cet étang, sont beaucoup mieux faits, plus beaux, plus

  1. 7° centigrades.