Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/261

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tant dans l’éclair de leur plumage, les plantes surgissent et fleurissent, et les vents soufflent, pour corriger cette légère oscillation des pôles en même temps que conserver à la Nature son équilibre.

Si chaque saison à son tour nous semble la meilleure, l’arrivée du printemps est comme la création du Cosmos sorti du Chaos, et la réalisation de l’Âge d’Or.

« Eurus ad Auroram, Nabathæaque regna recessit,
Persidaque, et radiis jugea subdita matutinis.
 »

« The East-Wind withdrew to Aurora and the Nabathean kingdom,
And the Persian, and the ridges placed under the morning rays.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Man was born. Whether that artificer of things,

The origin of a better world, made him from the divine seed ;
Or the earth, being recent and lately sundered from the high
Ether, retained some seeds of cognate heaven.[1]

Il suffit d’une petite pluie pour rendre l’herbe de beaucoup de tons plus verte. Ainsi s’éclaircissent nos perspectives sous l’afflux de meilleures pensées. Bienheureux si nous vivions toujours dans le présent, et prenions avantage de chaque accident qui nous arrive, comme l’herbe qui confesse l’influence de la plus légère rosée tombée sur elle ; et ne perdions pas notre temps à expier la négligence des occasions passées, ce que nous appelons faire notre devoir. Nous nous attardons dans l’hiver quand c’est déjà le printemps. Dans un riant matin de printemps tous les péchés des hommes sont pardonnés. Ce jour-là est une trêve au vice. Tandis que ce soleil continue de brûler le plus vil des pécheurs peut revenir[2]. À travers notre innocence recouvrée nous discernons celle de nos voisins. Il se peut qu’hier vous ayez connu votre voisin pour un voleur, un ivrogne, ou un sensuel, l’ayez simplement pris en pitié ou méprisé, désespérant du monde ; mais le soleil luit, brillant et chaud, en ce premier matin de printemps, re-créant le monde, et vous trouvez l’homme livré à quelque travail serein, vous voyez

  1. Ovide. Métamorphoses, I, 1.

    Le Vent d’Est se retira vers l’Aurore et le royaume Nabathéen,
    Et le Persan, et les cimes placées sous les rayons du matin.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    L’homme naquit. Soit que cet Artisan des Choses,

    Origine d’un monde meilleur, l’eût tiré de la divine semence ;
    Soit que la terre, récente et nouvellement séparée du haut
    Éther, eût retenu quelques graines du ciel, son congénère. »

  2. Isaac Watts, Hymnes et chansons spirituelles, I, hymne 88.